Par jugement du 19 juin 2019, le Tribunal de première instance francophone de Bruxelles a posé la question préjudicielle suivante:
« L’article 1717, §4 du Code judiciaire viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution, le cas échéant combinés à l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, en ce qu’il instaure un délai de déchéance qui ne permet plus à une partie à une procédure arbitrale de remettre en cause la sentence, lorsqu’elle découvre plus de trois mois après la communication de celle-ci qu’elle a été obtenue par fraude, alors qu’en vertu des articles 1132 et suivants du Code judiciaire, une partie à une procédure judiciaire dispose d’un délai de six mois à dater de la découverte de la fraude pour introduire une requête civile ? ».
Selon la Cour constitutionnelle, le délai – relativement bref – de trois (3) mois pour agir en annulation d’une sentence arbitrale est « raisonnablement justifié par la volonté du législateur de fournir rapidement aux parties qui décident librement de recourir à l’arbitrage une décision définitive sur le différend qui les oppose (…). Ce délai n’est pas excessivement bref, ni de nature à empêcher les intéressés d’introduire une demande en annulation.» (cf. Considérant B.10.1.); de même, la Cour constitutionnelle souligne que la « fixation du point de départ de ce délai à la date de la communication de la sentence arbitrale est en principe pertinente au regard de cet objectif » (cf. Considérant B.10.2.).
Toutefois, la Cour juge que la disposition en cause entraîne une limitation disproportionnée des droits de la partie victime de la fraude, en ce « qu’elle ne permet pas à la partie qui découvre, plus de trois mois après la communication de la sentence, que celle-ci a été obtenue par fraude de demander l’annulation de la sentence litigieuse, et ce en toute hypothèse.»
La Cour constitutionnelle invite donc le législateur à mettre un terme à l’inconstitutionnalité constatée.
Dans l’attente de l’intervention du législateur, il appartient au juge, en fonction des circonstances, d’apprécier si la demande en annulation d’une sentence arbitrale a été introduite dans un délai raisonnable à compter du constat de ce que la sentence a été obtenue par fraude.
Source: Cour constitutionnelle (Belgique), arrêt n°14/2021 du 28 janvier 2021
Short summary (EN)
The Belgian Constitutional Court ruled that the difference in treatment between, on the one hand, a party to judicial proceedings, which can challenge a court decision if it finds out that the judge’s decision is tainted with circumstances such as fraud, and, on the other hand, a party to an arbitration, which discovers that the award was obtained fraudulently, is disproportionate.
Indeed, according to article 1136 of the Judicial Code, the former may request for the judge’s decision to be revoked within six months of the discovery of the new circumstance, while the latter may only apply to set aside a Belgian arbitral award before the Belgian Courts within three months of receiving the award (according to article 1717, § 4 of the Judicial Code).
According to the Constitutional Court, having such a time bar of three months is a proportionate difference in treatment given the objectives of swift and effective dispute solving reflected in the Belgian law of arbitration; the Constitutional Court stated, however, that systematically limiting a party’s possibility of setting aside the award to three months from the point of the communication of the award, even when the fraud basing the challenge is discovered later, is disproportionate and, therefore, unconstitutional.
As a result, the lawmaker will be required to amend this unconstitutional provision. Until so, a challenge to an award on the basis of fraud will have to be introduced within a « reasonable timeframe given the circumstances, from the point of the discovery of the fraud« .
Source: Belgian Constitutional Court, decision n°14/2021 dated 28th January 2021.