Aides COVID-19 : quelques problèmes juridiques inattendus

Avec plus d’un an de recul depuis leur mise en place, on s’aperçoit aujourd’hui que la multiplication des régimes d’aides liées à la pandémie de COVID-19 crée différents problèmes juridiques tout à fait inattendus. Nous en livrons ici un bref aperçu qui est ni exhaustif ni définitif.

L’obligation de remboursement des primes dans certains cas : un potentiel fardeau en cas de faillite

De nombreux régimes d’octroi d’aides reprennent dans leurs conditions l’obligation de remboursement de l’aide en cas de cession du fonds de commerce, liquidation ou faillite de l’entreprise bénéficiaire. Ainsi, l’aide octroyée est loin d’être définitivement acquise.

Bien que le contexte soit particulier, toute entreprise reste tenue de faire aveu de faillite dans le mois de la cessation des paiements. Il ne faut toutefois pas se leurrer : avec les différentes aides octroyées et les moratoires officiel ou tacite sur les faillites, nombre d’entreprises sont aujourd’hui en état virtuel de faillite et auraient déjà dû faire aveu de faillite pour se conformer au prescrit légal.

Dès lors qu’en cas de faillite, la prime versée sera réclamée par le pouvoir subsidiant par le biais d’une déclaration de créance adressée au curateur et que celui-ci devra en tenir compte, le montant de cette prime fera partie du passif qui sera réclamé par le curateur au dirigeant de la société, soit obligatoirement – songeons ici aux sociétés à responsabilité non limitée – ou selon les circonstances – lorsque la responsabilité personnelle du dirigeant semble devoir être engagée.

Par conséquent, accepter une prime n’est pas un acte anodin, surtout s’il s’avère que l’entreprise n’a pas perspectives crédibles de continuité.

Quand celui qui perçoit la prime n’est pas celui qui supporte les coûts de la crise : problèmes d’exécution contractuelle en vue

Les régimes d’aides ont tous été adoptés dans l’urgence. Les montants forfaitaires des aides, leur mode de calcul lorsqu’elles varient et, parfois, l’identité même des bénéficiaires semblent relever de décisions prises sans avoir pris la mesure de certains écueils.

Un exemple frappant est le régime de primes mis en place par l’INAMI pour les dispensateurs de soins de santé. Justifié en raison de l’explosion manifeste des prix d’équipement et consommables médicaux depuis le début de la pandémie de COVID-19, ce régime reste toutefois surprenant puisque, pour nombre de professions exercées hors réseau hospitaliser, la prime peut être réclamée par un dispensateur de soin exerçant dans une structure privée alors même que c’est la structure et non le dispensateur qui a supporté les coûts d’achat d’équipement et consommables médicaux.

Bien souvent, les contrats liant les dispensateurs de soins aux structures privées ne couvrent pas l’hypothèse de primes venant s’ajouter aux honoraires générés par les dispensateurs et usuellement partagés entre la structure et le dispensateur.

Une telle situation a déjà engendré des problèmes d’exécution contractuelle, les structures soutenant – à juste titre selon nous – que la prime doit en réalité revenir à celui qui a supporté les coûts. La question de l’exécution de bonne foi des contrats revient ainsi à l’avant-plan et ouvre la voie à des décisions judiciaires intéressantes quant à la façon de placer le curseur dans cette crise lorsque les parties à un contrat se disputent le bénéfice d’une aide publique.

Quand accepter une prime devient une source de reproches aux conséquences juridiques potentiellement désastreuses

La jurisprudence est pour l’instant très divisée sur la question des droits et obligations du bailleur et du locataire lorsque ce dernier se voit interdire d’exercer son activité ou est dans l’impossibilité pratique de le faire, tel qu’un restaurant choisissant de ne pas offrir de plats à emporter à ses clients.

Toutefois, on peut observer pour l’instant que certaines décisions tirent argument de l’octroi d’aides liées à la pandémie pour reprocher au locataire d’utiliser ces aides à d’autres fins que le paiement des loyers.

En cas de discussion ou litige, si vous êtes locataire, expliquez bien au bailleur la finalité des aides reçues. Si vous êtes bailleur, demandez à votre locataire quelles aides ont été perçues : toutes ne sont pas destinées à couvrir les frais de fonctionnement de la personne morale. Ainsi, la perception du droit passerelle par le dirigeant de l’entreprise est, selon nous, aucunement destinée à couvrir des frais de la personne morale mais bien à assurer des moyens de subsistance au dirigeant d’une entreprise à l’arrêt.

Pouvoirs subsidiants : assurez-vous de la conformité du régime avec le cadre européen de contrôle des aides d’Etat

Enfin, les pouvoirs subsidiants qui mettent en place des aides doivent toujours avoir le réflexe de vérifier la conformité du régime envisagé avec le cadre européen de contrôle des aides d’Etat. Si celui-ci fait pour l’instant l’objet d’assouplissements inattendus, les aides constituent une distorsion de la concurrence qui, si elle peut amplement être justifiée au regard du cadre juridique européen, doit néanmoins être examinée attentivement afin que le régime ne soit pas ultérieurement remis en cause, avec les conséquences financières néfastes d’une récupération d’une aide d’Etat.

Ces quelques exemples tirés de la pratique montrent que la crise engendrée par la pandémie de COVID-19 pose de nouvelles questions juridiques. Aux entreprises et pouvoirs subsidiants de bien s’équiper et de se faire accompagner pour aborder adéquatement les enjeux juridiques suscités par les régimes d’aides adoptés ou envisagés.