Le droit belge de la concurrence en 2020 : volume 2

Nouvelles lignes directrices de l’Autorité belge de la Concurrence concernant le calcul des amendes pour les entreprises et associations d’entreprises

L’Autorité Belge de la Concurrence (ci-après « ABC ») a mis à jour, le 25 mai 2020, ses lignes directrices sur le calcul des amendes. Ces lignes directrices sur le calcul des amendes visent à offrir plus de transparence et de sécurité juridique aux entreprises et associations d’entreprises faisant l’objet d’une instruction, en ce qui concerne le niveau éventuel de l’amende qui peut être imposée par l’ABC pour sanctionner une pratique anticoncurrentielle (Articles IV.60 et IV.79, § 1 CDE). Le calcul des amendes imposées en matière de pratiques restrictives de concurrence avait pour la première fois fait l’objet d’une Communication du Conseil de la concurrence, en date du 19 décembre 2011. L’ABC avait par la suite adopté, le 26 août 2014, des lignes directrices sur le calcul des amendes pour les entreprises et associations d’entreprises ayant commis une infraction au droit de la concurrence. Cette actualisation avait notamment pour but d’uniformiser la législation belge et européenne à cet égard, puisque l’ABC « se laisse en principe guider […] par les Lignes directrices de la Commission européenne pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement (CE) n° 1/2003 ».

Les lignes directrices de l’ABC intègrent toutefois certaines dérogations par rapport à l’approche européenne.

Dérogations et compléments par rapport aux lignes directrices de la Commission

Les lignes directrices de l’ABC divergent de celles de la Commission à trois égards. Tout d’abord, il convient de souligner que l’ABC n’intègre en principe dans le calcul de l’amende que le chiffre d’affaires réalisé par les entreprises concernées en Belgique qui est en relation directe ou indirecte avec l’infraction. Ensuite, en matière de clémence et de transaction, l’ABC se laisse guider par ses propres lignes directrices, qui contiennent certaines dispositions spécifiques, et ont justement été actualisées en même temps que celles sur le calcul des amendes. Enfin, l’ABC précise « l’infraction identique ou similaire » issue des lignes directrices de la Commission précitées, qu’elle définit comme une « infraction identique ou similaire dans un État membre de l’Union ayant fait l’objet d’une décision de la Commission européenne ou d’une décision d’une autorité nationale de concurrence d’un pays limitrophe à la Belgique ou de l’autorité nationale de concurrence du Royaume-Uni. ». Une entreprise ayant commis une telle infraction sera ainsi considérée comme récidiviste, et sanctionnée d’autant plus lourdement par l’ABC.

Non-applicabilité aux personnes physiques

Ces lignes directrices ne s’appliquent pas aux sanctions qui peuvent être imposées aux personnes physiques ; ces amendes peuvent en effet s’élever de 100 à 10.000€ (Article IV.79, § 2), en tenant compte de la gravité de l’infraction, de l’implication dans celle-ci et des autres caractéristiques de l’affaire.

Apport de la modification

Cette modification vient harmoniser les lignes directrices de l’ABC sur le calcul des amendes infligées aux entreprises et associations d’entreprises ayant commis une infraction anticoncurrentielle avec la loi du 2 mai 2019, mais aussi avec les nouvelles lignes directrices de l’ABC sur la clémence. Ainsi, les nouvelles lignes directrices s’appuient sur les règles en matière de sanction de restriction anticoncurrentielle énoncées par l’article IV.79 § 1 CDE, ainsi que l’article IV.60 CDE. Ce changement, opéré par la loi du 2 mai 2019, n’a en réalité que peu d’apport significatif.

Renforcement de la sévérité des sanctions prononcées par l’ABC

Il faut en revanche souligner que depuis 2014, l’ABC marque sa volonté de suivre la politique européenne en matière de restriction anticoncurrentielle, là où elle avait auparavant plutôt tendance à agir de manière autonome. Cette harmonisation européenne se traduit notamment par un renforcement de la sévérité des amendes prononcées, notamment pour les entreprises et associations d’entreprises ayant participé à une infraction sur le long terme, ou bien identique/similaire à une restriction déjà sanctionnée.

Deux solutions apparaissent en réalité lorsqu’une infraction anticoncurrentielle est commise. Une solution préventive, d’abord, puisqu’une personne morale ou physique peut demander auprès de l’ABC à bénéficier d’une procédure de clémence. Ainsi, en fournissant des éléments de preuve utiles concernant le cartel auquel il a participé, le demandeur peut bénéficier d’une exonération partielle ou totale de l’amende qu’il pourrait se voir infliger. Si l’objectif pour le demandeur consiste à tenter d’échapper au maximum à une sanction, la clémence permet finalement de faciliter le travail d’investigation de l’ABC. Une solution curative, ensuite, puisque l’ABC sanctionne les personnes physiques et morales ayant mis en place des restrictions anticoncurrentielles. L’objectif est ici de restaurer au plus vite l’équilibre concurrentiel du marché, au bénéfice des autres entreprises, mais aussi des consommateurs.

Nécessité pour les entreprises de rester en conformité

Il apparaît dès lors de plus en plus judicieux, et notamment pour les multinationales, de ne prendre aucun risque quant à une éventuelle participation à une restriction anticoncurrentielle. Ces dernières s’exposent en effet à des amendes particulièrement lourdes, comme en 2015 où l’ABC avait condamné 17 entreprises reconnues coupables d’entente sur les prix de produits de beauté et d’hygiène entre 2002 et 2007, pour un montant total de 174 millions d’euros. Colgate-Palmolive, qui avait dénoncé le cartel auprès de l’Autorité, s’était en revanche vu entièrement exonérée d’amende.

Finalement, l’intérêt pour les entreprises de s’assurer qu’elles sont bien en conformité avec les règles de concurrence est double : d’une part, éviter des amendes de plus en plus sévères, et d’autre part, préserver leur réputation auprès des consommateurs, mais aussi de l’ensemble des acteurs du marché.

Il est dès lors conseillé de faire appel à l’expertise d’un avocat en droit de la concurrence, qui saura non seulement précisément identifier les points pouvant présenter des risques de conformité pour une entreprise, mais aussi proposer des solutions pour y remédier rapidement, le tout à l’aune des dernières pratiques européennes et internes en la matière.