Le droit belge de la concurrence en 2020 : volume 4

Loi du 27 mai 2020 modifiant les lois du 4 avril 2019 et du 2 mai 2019 relatives au nouveau droit belge de la concurrence

La loi du 27 mai 2020, publiée au Moniteur belge du 29 mai et entrée en vigueur le 8 juin, vient apporter des modifications aux lois du 4 avril 2019 et du 2 mai 2019, qui modifiaient toutes deux des dispositions du CDE liées au droit de la concurrence.

La loi du 4 avril 2019 a en effet introduit dans le livre IV du CDE trois nouvelles restrictions anticoncurrentielles : les abus de dépendance économique, les clauses abusives dans un contrat conclu entre des entreprises, ainsi que les pratiques du marché déloyales entre entreprises.

Parallèlement, la loi du 2 mai 2019 est venue insérer dans le CDE un nouveau livre IV intitulé « Protection de la concurrence ».

D’emblée, il faut remarquer qu’avant même l’entrée en vigueur de la loi du 4 avril 2019 modifiant le livre IV du CDE, le législateur est venu à nouveau toucher à ce même livre, en le remplaçant purement et simplement par un nouveau livre IV intitulé « Protection de la concurrence ».

Il semble alors légitime de s’interroger sur l’intérêt pour le législateur de modifier ce livre pour finalement en insérer un nouveau un mois plus tard.

Un calendrier législatif pressé par un contexte politique tumultueux

Ces diverses interventions législatives sont notamment dues au calendrier législatif suivant lequel les deux lois ont été votées.

La loi du 4 avril 2019 est issue d’un projet de loi déposé le 13 novembre 2015. Le projet final a finalement été adopté par la Chambre le 21 mars 2019, puis publié au Moniteur belge le 24 mai 2019.

Quant à la loi du 2 mai 2019, elle représente l’aboutissement d’un projet de loi déposé le 27 février 2019, dont la version finale a été adoptée par le Chambre le 25 avril 2019, avant d’être publiée au Moniteur belge le 24 mai 2019.

Le gouvernement Michel II, démissionnaire le 21 décembre 2018, est resté chargé des affaires courantes jusqu’aux élections législatives du 26 mai 2019, où aucun gouvernement n’a finalement été formé à l’ouverture de la 55e législature.

Succédant à l’ancien premier ministre Charles Michel, Sophie Wilmès dirige, depuis le 27 octobre 2019, un gouvernement provisoire chargé des affaires courantes, et détenteur des pouvoirs spéciaux du 26 mars au 26 juin 2020 dans un contexte marqué par la crise sanitaire liée au coronavirus.

Il apparaîtrait finalement que les lois du 4 avril et celles du 2 mai, et en particulier cette dernière, ont en réalité été adoptées au grand galop par le gouvernement précédent, en anticipant les élections législatives du 26 mai, qui aurait dû apporter un nouveau gouvernement.

Ainsi, ces deux lois ont chacune fait l’objet d’une procédure législative différente : l’une à l’objet plutôt spécifique (loi du 4 avril qui insère 3 nouvelles restrictions anticoncurrentielles), l’autre plus large (loi du 2 mai qui remplace le livre IV du CDE).

La trajectoire de ces deux lois ne s’est finalement pas croisée, et les procédures se sont achevées parallèlement et dans l’urgence, alors même qu’une coordination de celles-ci aurait sans doute été plus judicieuse.

C’est précisément là où la loi du 27 mai 2020 intervient. Celle-ci vient en réalité permettre au Roi de « corriger » les imperfections induites par l’urgence avec laquelle la loi du 2 mai 2019 a notamment été adoptée.

La portée de la loi du 27 mai 2020

L’intérêt de cette loi est double.

Tout d’abord, elle habilite le Roi à modifier les articles pertinents du CDE (Art. I.6, IV.39, IV.55, IV.79, IV.80, IV.81, IV.84 et IV.88) qui avaient été insérés par la loi du 2 mai 2019, afin d’y intégrer adéquatement les modifications apportées par la loi du 4 avril 2019, et notamment l’introduction des restrictions anticoncurrentielles précitées.

Ensuite, elle repousse l’entrée en vigueur des dispositions relatives à ces restrictions, initialement prévue pour le 1er juin 2020, au 1er décembre 2020.

Elle repousse également au plus tard à cette même date l’entrée en vigueur de l’article IV.80, § 2, et l’article IV.84, § 2, insérés par la loi du 2 mai 2019, qui visent les sanctions et astreintes pouvant être infligées par le Collège de la concurrence.

On peut donc conclure que le législateur souhaite en réalité donner au gouvernement le temps nécessaire pour intégrer les nouvelles restrictions anticoncurrentielles dans le CDE, sur la base desquelles le Collège pourra ensuite sanctionner les entreprises fautives.

L’intérêt des nouvelles dispositions : une protection renforcée pour les entreprises

A ce titre, cette loi est particulièrement intéressante pour les entreprises, et notamment les PME, car elle permet d’intégrer efficacement les nouvelles restrictions anticoncurrentielles dégagées par la loi du 4 avril 2019.  L’objectif du législateur était alors de renforcer la protection des plus petits opérateurs économiques face à d’éventuels abus commis par de grandes entreprises ou groupes d’entreprises.

Ces dispositions ouvrent donc de nouvelles opportunités pour les entreprises pour engager la responsabilité de leurs concurrents ou partenaires commerciaux qui commettraient des abus.

Il est dès lors préconisé pour ces entreprises de prendre contact avec un avocat spécialisé en droit de la concurrence, afin qu’il puisse fournir un avis complet en la matière, à la lumière des dernières pratiques de l’ABC et des autres autorités de la concurrence au sein de l’Union européenne.